Guy Roux et ses poulets...

 

Tel un fermier élevant ses poules, l'entraîneur de l'AJA n'hésite pas à couver ses jeunes pousses (ins). Lui qui fut l'icône et qui eut durant plusieurs années comme sponsor la marque de poulet "Duc", continue malgré son âge avancé à entraînerOaouh le super cadeau! son équipe depuis vingt belles années au plus haut niveau. Ainsi Guy Roux a établi un nouveau record du nombre de matches comme entraîneur dans l'élite (783) à l'occasion du déplacement de l'AJ Auxerre à Sochaux, lors de la 7e journée de la Ligue 1 de football. L'entraîneur auxerrois a détrôné Kader Firoud, qui avait passé 782 matches sur les bancs de première division de la fin des années 50 au début des années 80, dirigeant successivement Nîmes, Montpellier et Toulouse. Ses hôtes sochaliens ont offert à Guy Roux plusieurs cadeaux pour l'occasion, dont un plateau et un bouquet de fleurs. Un geste qui a touché l'entraîneur bourguignon. "Aujourd'hui, ils (les dirigeants sochaliens) avaient autre chose de bien plus grand à fêter: les 70 ans du football professionnel, a-t-il déclaré. Qu'ils associent mon record personnel à ce grand événement m'a beaucoup touché. Cela me va droit au cœur".

Mais en cette année 2002, c'est une nouvelle page de l'histoire de l'AJA qui est en train de s'écrire. Cette génération dorée (Cissé, Mexès et autre Boumsong) peut se targuer d'être rentrée dans l'histoire du club. En effet elle rejoint la génération des Guivarch, Diomède et autres Lamouchi qui réussirent à hisser Auxerre en quarts de finale de la Ligue des Champions. Les auxerrois se sont ouverts les portes d'une Champion's League qui va leur permettre de briller au plus haut niveau européen et de se frotter aux plus grands d'Europe... Mexès, le futur Laurent Blanc?

Pour son soixantième match européen (AJA-Boavista), un total également valable pour Guy Roux, Auxerre a donc transformé l'essai et validé sa belle saison 2001/2002. Les partenaires de Lachuer ont transformé ainsi en platine la troisième place qu'ils avaient arrachée sur le fil à Paris et à Lille en mai dernier. Ils ont ainsi confirmé leur extraordinaire potentiel, qui fait maintenant d'eux un magnifique ambassadeur de la France, mais aussi de la formation française, sur la plus prestigieuse des scènes européennes. Le terrible effectif de Roux ( alias le TER), qui jusque là ne desservait que les gares françaises en provenance de sa petite commune de 40 000 âmes, va partir à la reconquête de l'Europe. Auxerre redevient "l'erreur" de l'Europe d'un point de vue démographique. Bien qu'ils la connaissent pour son vivier intarissable de talents, Manchester, le Bayern, Arsenal ou encore l'Inter Milan vont être obligés de ressortir leur Guide Michelin afin de savoir où se terre cette petite cité de gaulois décidément irréductibles. on croyait l'AJA définitivement rayée de la carte européenne, et voilà qu'elle réapparaît. C'est à en croire que Guy Roux a eu du nez en reprenant les commandes en juin 2001 et en repoussant sa retraite à un peu plus tard. Pour Roux, pas le temps de s'ennuyer "avec ce programme, je suis désormais sûr que je vais laisser les champignons tranquilles cet automne!"

Un automne qui vaudra donc d'être vécu pour l'AJ Auxerre, déjà content d'être là, et qui devra affronter Arsenal, le Borussia Dortmund, et le PSV Eindhoven. La ligue des Champions c'est par là!Arsenal est doublement familier aux clubs français, puisque les gunners ont été sur le chemin de Lens, Nantes et Lyon ces cinq dernières années. Mais tout en considérant à sa juste valeur le PSV Eindhoven, dont le nouvel entraîneur est Guus Hiddink, l'idole de toute la Corée, surtout du Sud, Auxerre a sûrement un petit faible pour le Borussia Dortmund. Les deux fois où Guy Roux a vraiment rêvé d'une coupe d'Europe, Dortmund s'y est opposé, dans une atmosphère de drame d'abord (le tir au but manqué par Stéphane Mahé au bout d'une demi finale retour hallucinante en 1992-93), de polémique ensuite, avec le retourné de Lilian Laslandes refusé en quart de finale aller de la Ligue des Champions 1996/97.

Avec cette idée bien ancrée dans chaque tête, avec cette volonté afficher de donner plus et même davantage, Auxerre ne craint rien. Cette mentalité doublée d'une belle santé, "accumulée tout au long de notre stage de préparation en Suisse (dixit Mexès), peut permettre à l'AJA de bien voyager ces prochaines semaines, sans trop craindre de casse, et de bien recevoir ses hôtes. Bref, d'être parfaitement à son aise tout en haut du toit de la L1. "Néanmoins, constate Roux, la répartition physiologique est bizarre. Vous faîtes une semaine hypercalibrée, vous soignez l'entraînement et, le samedi, votre équipe n'a pas de ressort...Là, à 2 heures du matin, jeudi, nous revenions d'Allemagne en avion après un match difficile et, un peu plus de soixante heures plus tard, les gars font un grand match, ils sont bien en jambes, tous homogènes. Et cela malgré les vicissitudes de changements de joueurs: soit la veille, soit le jour même, voire à l'échauffement, comme c'est arrivé avec le forfait de Kapo (9ème journée). Allez comprendre!"

Chapeau, les Auxerrois!

Rarement Highbury avait mérité davantage son surnom de "Bibliothèque". Le silence qui est tombé sur le stade londonien au cours de la seconde mi-temps d'Arsenal-Auxerre en disait long sur l'incompréhension de supporters qui avaient oublié ce que perdre signifiait. Face à La Corogne, passe encore. Mais Auxerre? Le choc était trop vif pour qu'on trouve des mots qui traduisent son intensité. On affichait des mines longues comme un jour sans toast, en se disant, que, bon, malgré tout, Arsenal n'avait toujours besoin que d'un point pour se qualifier, et demeurer en tête de son groupe. Heureusement, on était plus disert -et plus élogieux- du côté des acteurs de ce drôle de drame. Arsène Wenger avait donné le ton quelques minutes après le coup de sifflet final: "Il faut reconnaître le mérite à Auxerre d'avoir très bien entamé son match, alors qu'il était clair que nous n'avions pas encore digéré la défaite contre Everton. Auxerre ne nous a pas empêché de jouer, non. Nous connaissons son style de jeu, qui n'a pas changé de puis vingt ans. Mais les bourguignons l'ont très bien appliqué et ont montré d'excellentes qualités en contre-attaque."

Mais qui pouvait s'attendre à ce que le milieu auxerrois gêne autant le tandem Gilberto Silva-Vieira (pourtant accrocheur en diable), et réduise des caïds comme Ljungberg et Wiltord à de pâles copies d'eux-mêmes? Guy Roux avait-il su identifier une faille dans le système tactique mis en place par Arsène Wenger? Le jeune ivoirien Kolo Touré admet que le pressing constant des auxerrois a grippé la machine: "On s'est laissé aller en seconde mi-temps, en balançant de grands ballons à l'avant, ce qui n'est pas notre jeu, et ce qui nous a fatigué encore plus."

La faute à qui? La faute à Auxerre, dont les Marie-Louise ont appliqué le plan de match de leur entraîneur à la perfection. La faute, aussi, au manque de fraîcheur évident de pièces maîtresses comme Thierry Henry, visiblement marqué par les efforts consentis avec l'équipe de France dans les semaines précédentes. Wenger: "Physiquement, les auxerrois étaient très affûtés, alors que nous-mêmes manquions de condition, et nous l'avons payé, particulièrement en début de rencontre. Nous leur avons donné trop d'espaces. Nous avons fait le maximum, et perdu face à une bonne équipe, dont la défense -la charnière centrale en particulier- a été exceptionnelle!"

Pour Patrick Vieira comme pour Thierry Henry, Auxerre a joué "le match parfait à l'extérieur". Henry analyse l'échec de son équipe avec sa franchise et sa lucidité coutumière: "Au match aller, les auxerrois étaient crispés et avaient hésité à aller de l'avant. Mais là, ils ont senti que nous n'étions pas au top. Ils s'en sont servis." Henry craignait d'ailleurs le coup fourré et en avait averti qui voulait bien l'entendre. La presse anglaise ne l'avait pas écouté, préférant insister sur l'absence de Djibril Cissé, oubliant que cet Auxerre-là regorge d'individualités auxquelles Henry tient à rendre hommage: "Pensez à des joueurs comme Fadiga... comme Kapo, qui a encore montré ce qu'il pouvait faire. Il a mis Patrick (Vieira) dans le vent, à Highbury! Personne ne fait ça! Boumsong... Toute l'équipe auxerroise a fait un grand match. Que faire sur un but comme celui de Kapo? Prier que le ballon ne rentre pas, c'est tout. Et savoir accepter qu'Auxerre méritait sa victoire."

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